Lucas Talbotier

Biome

le vernissage le 12 mai 2016 de 18h30 à 22h

Exposition du 12 mai au 30 juin 2016

Note biographique

 

Né en 1994, Lucas Talbotier vit et travaille à Paris. En 2012, il effectue une année préparatoire aux Ateliers de Sèvres. Il entre à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 2013. Actuellement en troisième année, il y étudie le dessin et la peinture dans l’atelier de James Rielly.

 

Ses travaux ont déjà été montrés lors d’accrochages d’atelier à l’ENSBA Paris, en 2014 et 2015.

Il a également participé à plusieurs expositions collectives : en 2013 aux Ateliers de Sèvres (Paris) et au Point G où il réalisa une peinture murale, et en 2014 à un projet curaté par Artagon à la Galerie Hausseguy  (Biarritz).

 

 

 

 

 

 

Ce qui est construit et ce qui ne l’est pas

 

On ne peut aborder le travail de Lucas Talbotier sans connaître son engouement pour le monde végétal – il cite très sérieusement sa collection de cactées comme préambule à ses réalisations récentes, et exhibe même cette boite emplie d’échantillons de graines qu’il conserve parmi son matériel, à l’atelier. La précision est loin d’être superflue, ses derniers dessins en attestent : partant d’un simple point, une fragile ligne de crayon de couleur chemine comme au hasard sur le papier vierge, le tracé gracile et parfois hésitant venant par endroit soudainement éclore en une plage de couleur. Il y a véritablement quelque chose d’organique dans la façon dont ce trait germe, serpente puis se déploie, tantôt en oscillations saccadées rappelant les accidents des courbes d’activités sismiques, tantôt s’étalant en fanes sinueuses. Et peut être plus encore lorsque Lucas Talbotier dessine ces suites de modules tubulaires tortueux, s’imbriquant les uns contre les autres en des amas rappelant les démarcations hourloupées de Dubuffet. Chaque fois, la même impression d’expansion, d’accroissement. Cette idée que la forme est toujours en progrès.

Alors ce n’est pas un hasard si, lorsqu’il peint, Lucas Talbotier s’inscrit dans la tradition de l’Action Painting. Il attaque la toile au pinceau, à la spatule ou même avec une clé de châssis, laisse libre cours aux giclures, aux coulures, applique l’empreinte de la paume de sa main, étale la matière aux doigts ou l’essuie grossièrement : tout pour garder le geste visible, non lissé, délibérément brut. Tout, afin de témoigner sans artifices du déroulement de la mise en œuvre. Ainsi le tableau s’affirme comme un acte, une séquence de gestes dont la progression reste expressément lisible.

A bien regarder, on devine dans cette facture très libre le feuilleté des strates successives, chaque couche recouvrant, masquant, ensevelissant partiellement la précédente. Fond et forme se redessinant mutuellement sans cesse. Et l’évidence de cette superposition est aussi prégnante lorsque l’artiste utilise de la terre pour charger ses huiles – façon, dit-il, de fertiliser la toile. Le grain sablonneux, velouté de ces surfaces plus denses contraste avec les jus rapides, les traits de bombe expéditifs. Dans l’ensemble, cette manière frustre procure le sentiment d’un non finito, la gestuelle très marquée prenant soin d’inachever les surfaces, les motifs. Lucas Talbotier a toujours ce souci de ne rien céder à la stabilité.

C’est pour cela, certainement, qu’il écarte aussi toute suggestion trop figurative. Ses tableaux montrent bien quelques formes brutalement tracées, s’enlevant sur des fonds brossés avec une belle rudesse expressive, mais rien de suffisamment identifiable pour risquer de limiter le signifié de l’œuvre à une question de reconnaissance. Quelques ébauches de formes géométriques, largement malmenées, figurent bien dans ces toiles ; mais elles ont été gauchies, déséquilibrées, pour mieux éluder toute référence à l’expérience quotidienne de la vision. Lucas Talbotier préfère concevoir un espace où l’univers de la pensée peut se faire image. La peinture est bien, pour lui, cette chose mentale, où les formes viennent s’abstraire. Un lieu pour défaire ce qui est construit, et laisser advenir ce qui ne l’est pas.

 

Marion Delage de Luget