Dorota Buczkowska

Chatouiller le palais

Exposition du 5 février au 3 avril 2015

Dorota Buczkowska développe une narration autour des relations entre l’homme et son environnement. Elle mène une réflexion plus particulièrement sur notre perception, nos émotions, sur le processus des phénomènes naturels et physiques, le doute et le tangible de la réalité. Elle introduit dans son travail des notions telles que l’imprévisible,  l’incontrôlable, l’illusoire.

L’artiste puise  volontiers dans le jeu des ambivalences ; elle associe à sa démarche l’intuition et la connaissance, la science et  la nature, l’universel et le personnel, la mémoire collective et l’expérience individuelle. Si  ses réalisations évoquent souvent un sentiment d’instabilité c’est qu’elle aime à leur attribuer un statut ambiguë. Elles sont organiques ou prennent la forme de constructions bancales, parfois imprévisibles voir même inquiétantes  sous des apparences de candeur, de légèreté, de fragilité.  L’artiste cherche à provoquer un état de vigilance chez le spectateur et ainsi mobiliser sa perception. Tout cela au travers d’une grande variété de formes et techniques (vidéo, installation, graphisme, photographie, dessin), alliant une utilisation des matériaux souvent inattendus (glace, gaz, brume artificielle, cire, beurre, cosmétiques, explosifs, latex, sacs plastiques, branches d’arbres etc.), y mêlant volontiers les photographies d’archives familiales à  ses propres dessins. Son œuvre est difforme et gracieuse, anatomique et poétique à la fois. Certaines des installations qu’elle réalise sous forme de happenings, intégrant des sculptures, des objets  peuvent  au fil du temps changer d’aspect et de forme, se détériorer et même se dématérialiser au fil des visites du public - acteur, sous l’influence des changements atmosphériques ou sous l’effet de procédés chimiques de décomposition de la matière. Ces processus de mutation qu’elle capte aussi dans ses vidéos  en jouant souvent sur le faux et le vrai sont pleinement assumés par l’artiste et font partie intégrante de son travail.

A l’occasion de l’exposition individuelle que lui consacre Jola Sidi Gallery, Dorota Buczkowska présente la dernière série de ses peintures intitulée Chatouiller le palais (2013). Dans cette série, gaie, lumineuse et charnelle, elle met à profit de façon remarquable ses compétences de restauratrice d’œuvres d’art par l’utilisation de techniques de peinture ancienne. On y retrouve ce lien ténu entre des formes construites et irréelles et la nature, aussi bien que l’état de mutation : une phase difficilement identifiable entre début de sa formation ou sa décomposition. Ses tableaux sont accompagnés aussi de quelques dessins et collages de la série Écosystème (2013-2014) dans laquelle l’artiste puise dans son œuvre en « recyclant » ses anciens travaux.  Telles des planches arrachées à une encyclopédie imaginaire des sciences naturelles, elles représentent des organismes mutants et difformes ou  bien une substance fluide, brillante et velue par endroits, mais toujours embellies par le geste gracile de l’artiste. L’aspect organique et mutant de ces  dessins est obtenu  grâce à l’idée insolite de l’artiste d’utiliser du maquillage qui imbibe progressivement le papier laissant le temps faire resurgir l’inattendu, taches de graisse donnant au papier  la texture d’une peau translucide…

Avec toujours la même nécessité clinique de mettre à nu une mutation intérieure, de creuser les  zones de l’inconscient, de se confronter aux émotions qu’elle convoque. Dorota Buczkowska  nous invite à une introspection, à apprivoiser la peur de l’inconnu, le malaise ou même la répulsion et à essayer de chatouiller notre palais, exercice difficile mais qui nous fera vivre tant des émotions réjouissantes que dérangeantes.

Klaudia Podsiadlo